L'Association Québécoise de Pégagogie Collégiale tenait son congrès en juin dernier à Montréal.
Voici les notes que j'ai colligé lors des conférences et ateliers auxquels j'ai assisté.
1.
Développer les compétences cognitive
pour la socitété du savoir
Pierre Lévy, Université d’Ottawa
Le
présentateur met de l’avant l’idée qu’il est important pour nos étudiants de
familiariser avec l’évaluation critique de leurs sources d’information. Il souligne donc l’importance de tenter de
connaître l’orientation, le cadrage, le récit et les normes sur lesquelles
s’appuient une opinion proposée par un individu ou un groupe. Il découpe cette évaluation en plusieurs
questions, notamment :
– Qui? Identifier la source (personnes, institutions, courants)
– D’où vient le financement? Combien, sources
– Pourquoi? Quels sont les questions, problèmes, agendas (politique, économique,
théorique, religieux, etc.) de la source
– Références? Les sources de la source
sont-elles clairement identifiées?
– Quand et depuis quand? Retracer l’origine d’une idée ou d’une information
dans le temps. Reconstituer les
« lignes temporelles » des faits et idées
Il est donc
important de comprendre que l’objectivité n’existe pas, par contre la
transparence devient synonyme d’objectivité en ce sens que plus les auteurs
sont transparents, plus ils sont fiables.
Le
présentateur propose donc des étapes permettant à l’étudiant de gérer ses
sources :
1.
Maitriser son attention
2.
Se
connecter à des sources fiables et non-redondantes
3.
Filtrer
l’information
4.
Catégories
l’information
5.
Enregistrer
l’information dans la mémoire à long terme
6.
Faire
des synthèses de l’information disponible
7.
Partager
et communiquer l’information
8.
Ré-évaluer
régulièrement ses sources
2.
Towards
inclusive and successful learning for all : universal design in the
college classroom
Thomas Henderson, Directeur du centre de
recherche pour l’inclusion scolaire et professionnelles des étudiants en
situation de handicap
Le présentateur
présente des données démographiques en lien avec le nombre d’étudiants ayant
recours aux services offerts aux étudiants en situation de handicap ou encore
ayant une difficulté d’apprentissage.
Dans le réseau collégial, le nombre d’étudiants est en hausse de façon
importante depuis quelques années. Dans
ce contexte, il semble judicieux d’avoir une approche inclusive quant à nos
pratiques pédagogiques, ce qui s’inscrit dans une approche nommée « universal
design ».
Les
principes de base du « universal design » sont les suivants :
-
Ne
pas adopter une pédagogie « one size fits all » MAIS plutôt proposer
une alternative convenable à chacun
-
Ne
pas ajouter ces alternatives de façon réactive MAIS plutôt les inclure à notre
pédagogie dès le départ
-
Ne
pas privilégier l’accès pour un groupe restreint MAIS plutôt l’accès pour tous
Il s’agit
donc de « considérer les besoins de l’ensemble le plus large
d’utilisateurs dès le départ » (Ron Mace, traduction libre)
Des
applications simples des principes du « universal design » dans une
salle de classe comprennent :
-
Offrir
l’accès à l’information sous plusieurs formes (vidéo, support audio, document
d’accompagnement, documents en format .txt)
-
Énoncer
clairement les buts d’une activité et donner un résumé
-
Offrir
un support visuel (grilles, graphiques, images)
-
Présenter
l’information de façon à pouvoir faire des liens :
o
Surligner
l’information pertinente
o
Ajuster
la couleur et la taille de la police d’écriture
o
Présenter
l’information en « chunks »
o
Illustrer
à l’aide d’exemple
-
Faire
du modelage de stratégies d’auto-régulation
-
Présenter
l’information de façon progressive et en faisant de l’étayage
3.
Classe inversée
Présentateur: Christina Drouin, enseignant de
chimie au CÉGEP Maisonneuve
Qu’est-ce
qu’un classe inversée? Il s’agit d’une
classe où l’essentiel du temps est passé à appliquer les notions, plutôt qu’à
les enseigner. L’enseignement se fait à
l’aide de capsules vidéos (et parfois de lectures) que les étudiants consultent
en préparation au cours. Le but est de
permettre aux enseignants de maximiser leurs contacts avec les étudiants en
offrant un soutien lors de la réalisation de tâches et exercices en classe. Puisque l’enseignement magistral est remplacé
en partie par le visionnement de vidéos préparées par l’enseignant, une partie
importante du temps de classe est libéré à cette fin. Cela permet également aux étudiants éprouvant
certaines difficultés avec un concept de re-visionner la matière autant de fois
qu’il est nécessaire!
Le
présentateur nous présente les étapes qu’il a utilisées dans sa classe
inversée.
1)
Prise
de notes : L’étudiant consulte les capsules vidéos (et bien sûr le
manuel!) en vue de comprendre la matière qui sera appliquée en classe. Cette préparation remplace l’enseignement des
notions de façon magistrale généralement offert par le professeur
2)
Résumé :
Le professeur fait un survol des informations présentées dans la vidéo, en
disant juste assez pour que les étudiants n’ayant pas fait la préparation
puisse minimalement suivre, mais sans être redondant au point où la préparation
n’est plus nécessaire.
3)
En
classe : Le temps de classe est destiné à la « pratique » ou à
l’application des concepts
Afin de
réaliser des vidéos plusieurs outils sont disponibles, une explication sommaire
des outils ainsi que de leurs forces et limites est présentée ici :
Est-il
nécessaire de couvrir toutes les notions à l’aide de vidéos? Non!
Puisque la mise en ligne de vidéos demande du temps, il faut penser à 3
ou 4 notions qui paraissent particulièrement difficiles pour les étudiants et
qui nécessitent donc la présence de l’enseignant lorsque vient le temps de les
appliquer. Au fil des ans, une banque
intéressante de ressources sera ainsi constituée.
4)
What will students do?
Sharon Coyle, enseignante d’anglais langue
d’enseignement et conseillère pédagogique au Cégep de Sept-Iles
La
présentatrice attire notre attention sur le concept de « backwards
planning », c’est-à-dire sur l’importance de planifier d’abord
l’évaluation et les objectifs pour ensuite remonter vers les contenus.
Traditionnellement,
l’enseignant planifie ses enseignements en passant par les étapes
suivantes :
1.
Contenu
2.
Leçons
3.
Évaluation
4.
Objectifs
Dans une
approche d’enseignement par compétence basée sur des tâches authentiques (i.e. ressemblant
le plus possible à des tâches réelles), il faut plutôt renverser l’ordre
1.
Objectifs
2.
Évaluation
3.
Leçons
4.
Contenu
Cette
approche nous permet de nous assurer de l’atteinte de compétences et de les
aborder de façon approfondie. Il devient
parfois nécessaire de réduire les contenus (par exemple, lire moins de textes
dans un cours d’anglais), mais d’y aller avec une plus grande profondeur (par
exemple, prendre le temps de les situer dans leur contexte historique,
politique, etc.).
Une autre
réflexion permettant de nous guider est de penser aux connaissances et
compétences essentielles que l’on souhaite développer chez nos étudiants, mais
avec lesquelles ceux-ci ont le plus de difficulté.
5)
Révision assistée par ordinateur :
données de recherche et observations
Martine Ouellet, enseignante au CÉGEP de
Drummondville
La
présentatrice nous fait état des données obtenues dans le cadre d’un projet de
recherche portant sur l’impact de l’utilisation d’un correcticiel (i.e.
Antidote) sur la réussite de deux cours de première session (français mise à
niveau et un cours spécifique au programme) d’étudiants du programme d’accueil
et intégration.
Au sujet de
l’utilisation d’Antidote, la chercheure insiste sur les points suivants :
-
Former
les utilisateurs aux différentes fonctions et outils sur logiciel
-
Ajuster
les paramètres du correcteur afin de le rendre sensible aux particularités de
l’apprenant ainsi qu’aux objectifs du cours
-
Procéder
étape par étape dans l’utilisation du logiciel : cela implique de modifier
les réglages afin que seules les erreurs graves apparaissent au début, pour
graduellement rendre les filtres plus sensibles et éliminer les erreurs
restantes
Les
résultats de cette recherche quasi-expérimentale démontre qu’environ 30% des
étudiants ayant l’opportunité d’utiliser l’outil l’ont effectivement fait. Les utilisateurs réguliers du logiciel ont
obtenu une moyenne plus élevés dans les deux cours où la chercheuse a collecté
des données (i.e. français et un cours de « méthodologie »).
L’utilisation
du logiciel semble avoir un effet plus marqué pour les erreurs en lien avec la
ponctuation, la grammaire du texte et la syntaxe.
6)
Et si l’on pouvait évaluer mieux
demain?
France Côté, conseillère pédagogique au CÉGEP
Marie-Victorin
Citation
inspirante: « Mesurer ou évaluer n’équivaut pas à enregistrer de manière
externe et objective des acquis, comme le thermomètre indique la température,
sans intervention de l’homme, … Au contraire, évaluer des acquis revient à
construire un point de vue sur des performances censées représenter des
acquis » (Romainville, 2012).
Élaborer
une grille d’évaluation à échelle descriptive en 10 étapes :
1. Élaborer
une tâche et un contexte
Élaborer une mise en situation et des consignes
claires, pour une tâche complexe et authentique
2.
Apprécier le produit, le processus ou le propos
Déterminer si l’on évaluera le
produit, le processus ou le propos (il ne faut pas nécessairement faire tous
les trois à chaque production, mais il faut évaluer les trois durant la
session!)
Produit =
production ou performance
Processus =
progression ou comment l’étudiant s’y est pris
Propos =
discours ou justifications formulés par l’étudiant
3. Identifier
les indicateurs prédominants
Critères d’évaluation et description de chacun
des échellons
4. Formuler
adéquatement les critères d’évaluation
Ils doivent être observables,
pertinents, univoques et en lien avec le produit, le processus ou le propos
5.
Effectuer une vérification taxonomique
S’assurer que si la tâche
impliquer un niveau « analyse » les critères évaluent l’analyse!
6. Choisir
le type de grille approprié
Analytique, globale ou hybride?
7. Combien
de niveaux de performance ?
4 à 6
8. Procéder
à une description détaillée des résultats attendus à chacun des niveaux
Importance
de décrier en détail le seuil minimum (60%).
Au début, il peut être difficile de décrire les niveaux intermédiaires,
on pourra se servir des productions d’étudiants pour réviser la grille pour les
sessions subséquentes.
9. Éviter
les pièges
Éviter
d’utiliser des formulations négatives.
Éviter de déguiser des critères quantitatifs en qualitatif. Éviter les gradations maladroites.
10. Valider
l’outil
Demander à
nos collègues et étudiants de valider la grille.
Cette
présentation était si enrichissante qu’il vaut la peine de partager un lien
vers le Powerpoint, sur le site de l’AQPC :